Nicolas Gagnon, enseignant, compositeur et auteur du livre Une musique à ta portée – Guide pour la mise en page de partitions musicales
Cet article regroupe des normes qui font consensus dans les livres de Heussenstamm (1987), de Gould (2003) et de Feist (2017). Tous les exemples ont été créés par l’auteur pour cet article.
Introduction
Robert Ingari écrit dans son livre La répétition efficace : « La mise en page d’une partition joue un rôle important dans sa lisibilité par les choristes. La manière dont la musique est présentée sur la page peut contribuer au niveau de la compréhension de ses composants. » (Ingari, 2023, p.26). Une partition difficile à lire et à comprendre ne sera habituellement pas retenue par un chef de chœur et ce, même si la musique est intéressante. Si elle est sélectionnée, un temps de répétition, qui aurait pu être utilisé autrement, sera nécessaire pour décortiquer la partition. Il est également important d’offrir des partitions précises et efficaces pour des élèves qui apprennent à décoder le langage musical.
Les informations dans le haut de la première page
Tout d’abord, il y a le titre, centré, qui a la plus grosse police comparée aux autres éléments de textes. Le titre peut être tout en majuscule ou respecter les règles d’usage. Le sous-titre, avec une police plus petite que le titre, permet de nommer le mouvement ou le titre de l’œuvre dont cette pièce est extraite. Au-dessus du titre se retrouve le nom de l’artiste ayant popularisé l’œuvre. C’est également à cet endroit qu’on inscrit la dédicace. Près de la marge de droite et placé entre le sous-titre et la première portée, on retrouve les noms des auteurs et des compositeurs de l’œuvre. En chanson, on utilise souvent le terme « paroles » tandis qu’en classique, on utilise souvent le terme « textes ». Il est possible de les mettre sur une seule ligne ou sur plusieurs selon les besoins.
*L’exemple ne reprend que les informations importantes à la compréhension de la matière.
Tout élément musical a été modifié afin de respecter la loi sur le droit d’auteur.
Image 1
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Les informations autour de la portée
Pour une partie vocale, on retrouve uniquement les paroles sous la portée. Tous les autres éléments (accords, éléments techniques, nuances, tempo) se placent au-dessus de la portée (image 1). Je conseille également de prioriser les signes du crescendo et du diminuendo plutôt que les abréviations. Cela permet de réduire la présence de mots autour de la portée et évite toute confusion avec les paroles (image 2).
Chœur mixte sur deux et quatre portées
La formation traditionnelle d’un chœur est constituée de quatre voix mixtes : soprano, alto, ténor et basse. Il existe deux approches pour la notation d’une partition pour une chorale : l’écriture à deux portées et celle à quatre portées. L’approche sélectionnée dépend de la conduite des voix. Lorsque l’écriture est homorythmique, il est possible d’écrire le tout sur deux portées. Dans ce cas, les paroles s’écrivent entre les deux portées. Les nuances doivent quant à elles s’écrire au-dessus de chaque portée. Pour chaque portée, les parties les plus aiguës (soprano et ténor) auront les hampes vers le haut tandis que les parties plus basses (alto et basse), les auront vers le bas. Lorsqu’un point d’orgue doit être ajouté, Elaine Gould (2003, p.189) suggère de le placer au-dessus de la première portée et sous la seconde portée (image 2).
Lorsque la partition ne contient que deux voix (soprano et alto) sur deux portées séparées, ces mêmes règles s’appliquent.
Image 2 : Partition pour chœur à 2 portées
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Contrairement à une partie de piano, les barres de mesure ne doivent pas relier les deux portées et l’accolade sera remplacée par un crochet (comparaison entre les images 2 et 3).
Image 3 : Partition pour piano
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Lorsque les voix sont plus indépendantes et rendent la lecture sur deux portées plus difficile, il convient d’attribuer une portée à chacune des voix. Dans ce cas, la portée du ténor ne se lira plus en clé de fa, mais en clé de sol octavié en bas. Dans ce cas, les paroles doivent s’écrire sous chaque portée, les informations de tempo se placent au-dessus de la première portée et chaque partie aura droit à son point d’orgue (image 4).
Image 4 : Partition pour chœur à 4 portées
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Les paroles
Les paroles sont l’un des éléments les plus importants pour une chanteuse ou un chanteur afin de transmettre l’histoire aux auditeurs. Parmi les éléments à vérifier concernant la mise en page, il y a l’emplacement des paroles, la police et la grosseur du texte, la ponctuation, le tiret, le trait, la liaison de phrasé et la liaison en pointillé.
Emplacement des paroles
Les paroles sont les seuls éléments de texte se trouvant sous la portée. Tous les autres éléments (nuances, indications techniques, tempo) s’écrivent au-dessus de la portée. Lorsqu’il y a une reprise et qu’un texte différent doit être chanté, comme dans un second couplet, on écrit les paroles sous celles du premier couplet. L’ajout des chiffres en début de couplet aide à la compréhension de la partition.
Image 5 : Choisir la bonne police pour les paroles
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La police et la grosseur du texte
Il convient de choisir une police et une grosseur de texte qui soient faciles à lire en reprenant les règles d’usage concernant les majuscules et la ponctuation (image 5, 1re ligne). Notez qu’une police trop grosse ou un texte tout en majuscule (image 5, 2e ligne) seront aussi difficiles à lire qu’un texte trop petit. Une police rappelant une écriture manuscrite (image 5, 3e ligne) est également à éviter pour l’écriture des paroles puisqu’elle rend la lecture beaucoup plus difficile. Il est également important d’ajuster la largeur des mesures en tenant compte des rythmes et des paroles. Bien que certains logiciels ajustent automatiquement la grandeur des mesures, il est important de vérifier que cette disposition vous convienne et que tous les éléments (mots, syllabes, tirets, traits) soient bien visibles.
La ponctuation
Il est nécessaire d’intégrer à votre partition les différents signes de ponctuation présents dans le texte original. Habituellement, les compositeurs font attention au texte et à la ponctuation afin que la musique puisse reprendre l’élan et les accents toniques présents en prenant des pauses aux virgules, en mettant l’accent sur les mots importants ou en tenant compte des consonnes ou des voyelles muettes. Il est possible d’ajouter une virgule musicale à ce moment dans le haut de la portée, mais elle n’est pas toujours nécessaire dans ce cas vu sa présence dans le texte.
Image 6 : La ponctuation
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Le tiret, le trait et la liaison de phrasé
Le tiret indique qu’une ou plusieurs syllabes complètent un mot (image 7, 2e mesure). Lorsqu’une syllabe ou un mot prend assez d’espace pour être sous toutes les notes liées, il n’est pas nécessaire d’y ajouter un tiret (image 7, 4e mesure « pratiquait ». Le trait indique qu’une syllabe doit être soutenue sur plusieurs notes. Dans les cas du tiret et du trait, on relie avec une liaison de phrasé les notes où le son doit être soutenu.
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La liaison en pointillé
La liaison en pointillé est utilisée lorsque deux notes sont liées pour une ligne de paroles (par exemple, premier couplet) et qu’elles ne le sont pas pour une autre (par exemple, deuxième couplet ou vice-versa). En musique vocale, la liaison en pointillé s’applique autant à la liaison de phrasé qu’à la liaison de prolongation.
Image 8 : La liaison en pointillé
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Les sons soutenus sur plusieurs notes
On retrouve dans le répertoire deux types de sons soutenus : chanter un mot ou une syllabe sur plus d’une note et créer un effet avec des sons ouverts comme des voyelles ou du humming (chanter la bouche fermée).
Une liaison de phrasé est utilisée lorsqu’un son doit être chanté sur différentes notes (image 9, exemple A). Lorsque le son doit être chanté sur plusieurs mesures, il convient de ne pas ajouter de liaisons. Cela remplit la partition de lignes non essentielles qui peuvent nuire à la lecture. Dans ce cas, Gould (2003) propose d’inscrire simplement le son entre parenthèses (exemple B). Il est également possible d’utiliser les crochets à la place des parenthèses (exemple C). Dans ce contexte, des liaisons de phrasé peuvent être ajoutées afin d’indiquer les respirations (exemple C).
Image 9 : La notation d’un son soutenu
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Associer une voyelle à un mot
Lorsqu’on écrit uniquement une voyelle, le choix de l’intonation est remis au chanteur ou au chef : son ouvert ou fermé, penchant vers un « O » ou un « U ». Afin de préciser ce détail, il est possible d’ajouter un astérisque, renvoyant à une légende de bas de page ou de bas de système, où il est possible d’écrire un mot avec lequel le son y est associé. Il est également possible d’écrire cette information directement sous la voyelle à chanter. Selon le cas, il peut être utile de souligner la section repère du son.
Image 10 : Associer une voyelle à un mot
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Écrire un rythme en foncion de la pulsation
Dans la musique vocale classique, il était normal de séparer les ligatures* lorsqu’on changeait de son et de toutes les relier lorsqu’un son devait être tenu. À cette époque, le rythme n’était pas écrit en fonction de la pulsation, mais des paroles (image 11, exemple A). Cependant, cette approche rend la lecture plus difficile. Jonathan Feist écrit que cette notation « était une convention pour la musique vocale et qu’elle est aujourd’hui considérée comme obsolète » (traduction libre, Feist, 2017, p.70). Il est donc plus efficace d’utiliser un rythme présentant clairement chacun des temps et d’utiliser les liaisons de phrasé ou de prolongation afin d’indiquer lorsqu’un son doit être soutenu sur plusieurs notes.
*Ligature : Trait reliant la hampe de deux notes ou plus.
Image 11 : Rythme en fonction de la pulsation
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Les limites de la barre de reprise
Bien que les barres de reprise permettent une économie d’espace, il est important de valider l’efficacité de son utilisation. Lorsque les notes et le rythme de la mélodie sont semblables à ceux de la reprise, l’utilisation des barres de reprise est alors efficace. Si trop de changements rythmiques ou mélodiques rendent la lecture difficile (image 12, exemple A), il est préférable de réécrire le couplet sans l’utilisation de reprise (exemple B).
Image 12 : Les limites de la barre de reprise
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Si l’option d’ajouter des mesures n’est pas envisageable, je propose d’ajouter une autre portée à votre instrument pour ce passage. Ainsi, la première portée indique les éléments musicaux pour la première fois, et la seconde, pour la reprise. Il convient cependant d’indiquer « 1re fois » et « 2e fois » au début des portées en question en les mettant en italique et en réduisant la grosseur de police afin de les différencier des autres éléments de textes (image 13).
Image 13 : Alternative à la barre de reprise
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Partition d'une chanson
Dans mon livre (Gagnon, 2024), je distingue deux catégories de partitions de chanson : l’économique et l’efficace.
« L’économique » est le type de partition utilisant le moins de pages possible où l’on retrouve parfois des triples Coda avec un nombre de renvois tellement complexe qu’il est nécessaire de connaître la chanson afin de la jouer ou de la chanter. L’objectif de ces partitions consiste à avoir toutes les notes d’un refrain et d’un couplet et d’utiliser les divers signes de renvoi afin d’avoir le moins de pages possible. Plusieurs livres de partitions de musique populaire sont malheureusement commercialisés ainsi. Ces partitions peuvent être une base d’informations pour connaître les notes de la mélodie ou les accords, mais il sera nécessaire de réécrire la partition afin qu’elle soit précise et efficace pour une performance ou pour un cours avec des élèves.
« L’efficace » est la partition qui peut facilement être utilisée pour une représentation ou un cours. Certaines chansons ayant une structure un peu plus complexe (refrain, couplet, bridge, solo instrumental, couplet, refrain, refrain transposé) nécessitent que la partition soit écrite au complet malgré la présence de plusieurs pages.
Certaines chansons ont une structure assez : introduction, couplet-refrain en boucle. Bien que la partition doit contenir toutes les informations, je considère qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter tous les signes de renvoi dans ce contexte-ci. Bien qu’elle soit moins précise comparée à d’autres partitions plus classiques, cette approche est souvent plus efficace.
Image 14 : chanson couplet-refrain
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Le nom de chacune des sections (introduction, couplet, refrain) est écrit au-dessus de la mesure débutant la section, en italique et/ou en gras afin de les différencier des autres textes. L’utilisation des repères (chiffres ou lettre encadrés au-dessus de certaines mesures) et des doubles barres aide également à séparer les sections. Si la chanson commence et se termine avec le refrain, il convient de mettre la barre finale après le refrain et d’ajouter une double barre à la fin de la partition. Au besoin, il est possible d’écrire dans le coin haut à gauche la structure souhaitée : C1 (couplet 1), C2, R, C3, R.
Conclusion
Le langage musical étant très varié, chaque partition aura ses particularités et ses défis de mise en page. Il est vrai que certains détails ne prennent pas beaucoup de temps à expliquer lors des répétitions, mais l’accumulation de ceux-ci peut nuire au travail d’autres éléments. Ces détails sont d’autant plus importants si vous ne pensez pas être présent lors de chacune des répétitions, si les musiciens ont un temps de répétition restreint ou si vous souhaitez que vos élèves ou vos étudiants deviennent autonomes dans leur pratique instrumentale. Comme mentionné en introduction, la mise en page est présente uniquement afin de permettre aux musiciens de mieux transmettre le langage musical.
Pour plus d’informations, je vous invite à consulter mon article publié dans une édition précédente de cette revue (Musique & Pédagogie, 39-2) ou mon livre Une musique à ta portée (Gagnon, 2024) consacrée à la mise en page de partitions.
Références et ressources supplémentaires
Feist, J. (2017). Berklee contemporary music notation. Berklee Press.
Gagnon, N. (2024). Une musique à ta portée – Guide pour la mise en page de partitions musicales. Productions Con Spiritu.
Gagnon, N. (2025). Une partition musicale précise et efficace au service de l’interprète. Revue Musique & Pédagogie, 39(2).
Gould, E. (2003). Behind bars: The definitive guide to music notation. Faber & Faber.
Heussenstamm, G. (1987). The Norton manual of music notation. W.W. Norton.
Ingari, R. (2023). La répétition efficace – Un guide pratique pour cheffes et chefs de chœur. Les Éditions JFD.
Nicholl, M. et Grudzinski, R. (2007). Music notation: Preparing scores and parts. Berklee Press.



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